Depuis le 12 mars, le poste de ministre des Affaires culturelles est vacant. Mais il ne s’agit pas seulement de nommer un nouveau ministre, mais il s’agit de dénicher un ministre qui ait des projets, une politique culturelle adaptée à notre réalité et des nerfs d’acier pour gérer un ministère aussi tumultueux ainsi que des milieux où les relations entre les artistes sont d’une incomparable animosité. Ne serait-ce que pour le milieu du cinéma, il faudrait un ministère tout entier pour gérer les ego hypertrophiés et la querelle de clocher entre les différents clans pour une poignée de films par an à travers lesquels les Tunisiens se reconnaissent très peu.
Rappelons que depuis le 14 janvier 2011, onze ministres se sont succédé aux Affaires culturelles, ce qui ne laisse pas déjà beaucoup de temps pour parachever un projet culturel pour la Tunisie. C’est là où ces questions se posent : quelle politique culturelle pour une Tunisie qui est ouverte sur le monde et qui subit à travers les écrans de son smartphone tous les assauts du monde, des assauts qui sont parfois loin de faire dans la culture mais dont l’objectif est justement de faire de la contre-culture ? Quelle politique culturelle pour une Tunisie qui regorge de jeunes talents qui ne demandent qu’à produire et vivre de leur art ? Bref, une politique culturelle qui puisse répondre à la question : pourquoi après tant d’années, un artiste ne peut pas vivre de sa production en Tunisie ?
Les structures culturelles existent pourtant (comme les maisons de la culture) mais elles demeurent malheureusement des coquilles vides tout comme le Cnci (Centre national du cinéma et de l’image) qui, jusque-là, ne sert que d’organisme administratif et dont les retombées sur le secteur cinématographique en Tunisie sont très insignifiantes. A ce titre d’ailleurs, le nouveau directeur de cette structure semble bloqué administrativement et incapable d’attaquer les grands chantiers comme celui de la billetterie unique. Il y a également l’idée du « Tunisian film commission » qui est restée lettre morte et qui doit faciliter et ramener les tournages étrangers en Tunisie. De surcroît, nous sommes à quelques mois du festival de Cannes et on se demande si la Tunisie a réservé son stand et programmé sa conférence de presse. A cela s’ajoute le grand dossier des festivals infranationaux, toutes catégories confondues, et qui ne cesse de faire polémique.
Est–ce à dire que la Tunisie n’a jamais eu de politique culturelle ? Pas du tout mais le problème, c’est que ces politiques ne se sont jamais adaptées à la réalité du pays. Personne n’a travaillé sur le fait d’introduire dans la tête de nos citoyens que la culture est une nécessité qui élève le rang de la tunisianité. Cela reste toujours un croisement batard entre le divertissement et les créations d’auteurs hermétiques et fantasmagoriques et où les artistes passent pour des gens paupérisés et sans couverture sociale qui vivent à couteaux tirés et s’entredéchirent pour une simple question d’envie et d’ego démesurés. Et maintenant à qui le tour ?